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Espagne : derrière l’écrivaine à succès Carmen Mola se cachaient trois hommes - Libération

Jeu de dupes

Lauréat d’un grand prix littéraire en Espagne, un trio d’hommes proches de la cinquantaine est sorti de l’anonymat, alors qu’il signait sous un nom féminin. Une supercherie qui agace les activistes féministes.

Une professeure de mathématiques, née à Madrid, proche de la cinquantaine, mère de trois enfants. Une auteure de romans policiers discrète et solitaire, qui préférait utiliser un pseudonyme. Voilà ce que l’on croyait savoir de Carmen Mola. La supercherie a duré jusqu’à vendredi. Ce jour-là, Camen Mola a remporté le prix Planeta, le plus important de la littérature hispanique, pour son nouveau roman La Bestia. L’ouvrage raconte l’histoire d’un journaliste, d’un policier et d’une jeune fille qui tentent de percer le secret derrière une vague de meurtres parmi les classes populaires, lors de l’épidémie de choléra dans le Madrid de 1834.

Le prix Planeta, accompagné d’un pactole d’un million d’euros, a poussé les vrais auteurs à sortir de leur trou. Derrière l’énigmatique signature, se cachent en réalité trois auteurs masculins. Carmen Mola, pseudonyme sous lequel a été publiée une trilogie de romans policiers (La fiancée gitane, Le réseau pourpre, La Nena) à succès, était en fait le trio d’auteurs : Jorge Díaz, Agustín Martínez et Antonio Mercero.

«Escrocs»

«Derrière le nom de Carmen Mola, il n’y a pas, comme dans tous les mensonges que nous avons racontés, une enseignante de lycée, mais trois écrivains, trois scénaristes et trois amis […], qui un jour, il y a quatre ans, ont eu l’idée folle de combiner leurs talents pour écrire une histoire ensemble», a expliqué Jorge Díaz après avoir reçu le prix. «Cette histoire a eu du succès et en a donné une autre, une autre, une autre… et à la fin, elle nous a amenés ici ce soir», a-t-il ajouté. Le trio avait, au fil des interviews, disséminé des éléments sur la vie (elle aussi fictive) de l’auteure, présentée comme «la Elena Ferrante espagnole».

Le trio d’hommes d’environ 50 ans s’est défendu d’avoir utilisé une signature féminine pour booster les ventes de ses bouquins sanglants. «On ne s’est pas caché derrière une femme mais derrière un nom», s’est défendu Antonio Mercero auprès du quotidien espagnol El País. Un argument qui ne passe pas auprès de l’écrivaine féministe Beatriz Gimeno. «Au-delà de l’utilisation d’un pseudonyme féminin, ces gars-là répondent à des interviews depuis des années. Ce n’est pas seulement un nom, c’est un faux profil qui a conquis les lecteurs et journalistes. Escrocs», a-t-elle réagi sur Twitter. L’Institut pour les femmes, que Beatriz Gimeno a présidé, avait d’ailleurs inclus un des livres de Carmen Mola dans sa sélection des «œuvres féministes».

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