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"Alerte Rouge en Afrique Noire": ce que Nicolas Bedos a apporté à "OSS 117" - BFMTV

Le réalisateur impose son esprit satirique dans un troisième volet qui tente d’imiter, stylistiquement comme idéologiquement, le cinéma d’action hollywoodien des années 1980.

Douze ans après Rio ne répond plus, OSS 117 reprend du service ce mercredi 4 août. Intitulé Alerte Rouge en Afrique Noire, ce troisième volet réalisé par Nicolas Bedos bouscule les attentes de ses fans en prenant le contrepied des deux précédents films signés Michel Hazanavicius. Exit le pastiche des films d’espionnage ringards des années cinquante et soixante. Place à une comédie d’aventure qui tente d’imiter, stylistiquement comme idéologiquement, le cinéma d’action hollywoodien des années 1980, comme Les Aventuriers de l'Arche perdue.

"C’est un pastiche des années 80", insiste Pierre Niney, qui incarne OSS 1001, le nouveau coéquipier d'OSS 117. "Ça change beaucoup de choses dans le style et la direction artistique. On ne parodie pas la même chose. C’est ça qui est bien aussi. C’est le vent de fraîcheur du film qui fait du bien."

Située au printemps 1981, quatorze ans après Rio ne répond plus, et juste avant l’élection de François Mitterrand, cette nouvelle aventure d'Hubert Bonisseur de la Bath voit le désormais vieil espion contraint de s’allier au jeune prometteur OSS 1001 (Pierre Niney). Envoyés dans un pays d’Afrique Centrale, ils doivent sauver les intérêts de la France et permettre au dictateur local, le président Bamba, de maintenir son pouvoir menacé par des rebelles voulant installer une vraie démocratie…

Après avoir parodié Sean Connery époque Goldfinger (Le Caire nid d’espions) et Paul Newman dans Detective privé (Rio ne répond plus), Jean Dujardin est cette fois-ci plus proche de Roger Moore (époque Octopussy et Dangereusement vôtre). Le comédien livre ici sa meilleure prestation en OSS 117, un de ses personnages fétiches qu’il a bien cru ne jamais retrouver: "Il est tellement content de retrouver le rôle que ça se voit à l’écran! Il jubile à chaque scène. Il est prodigieux", s’enthousiasme Jean-François Halin, scénariste historique de la série inspirée de romans signés Jean Bruce.

Critique de la Françafrique

Alerte Rouge en Afrique Noire se distingue des précédents films par son grand cynisme et sa critique désabusée de la Françafrique, soit les relations entre la France et ses anciennes colonies en Afrique subsaharienne. La mission d’OSS 117, qu'il va mener à bien, est d’aider un dictateur de la pire espèce, situé quelque part entre Idi Amin Dada et Bokassa, à rester au pouvoir. L’espion n’est plus seulement ringard, il rejoint le mauvais côté de l’Histoire.

"Je ne sais pas si c’est du cynisme, mais j’avais en tout cas une volonté dès le départ, que Nicolas a non seulement saluée, mais aussi renforcée, de surprendre les gens", répond Jean-François Halin. "Quand on fait le troisième film d’une saga, il ne faut pas que ce soit un épisode de plus. Il faut qu’il soit différent. Pour moi, il va plus loin dans l’humour. Ce n’est pas du cynisme, mais presque de la tristesse par rapport à la situation de l’Afrique. Un constat."

OSS 117 devient presque le principal antagoniste de son aventure: "C’est quelqu’un qui suit la ligne officielle", rétorque Jean-François Halin. "Si on lui dit que l’Afrique marche comme ça, pour lui ça marche comme ça. Effectivement, on pense pendant quelques instants qu’il adhère aux thèses communistes, progressistes des rebelles, mais il s’en détourne aussi rapidement. Je ne sais pas si c’est le méchant, en tout cas c’est l’idiot qui suit les consignes officielles, quelles qu'elles soient et quelles qu'en soient les conséquences."

Déphasé comme "Bébel"

Bien que ce ne soit pas une des références de Jean-François Halin et Nicolas Bedos, Alerte Rouge en Afrique Noire a parfois la même saveur que les films de Jean-Paul Belmondo des années 1980, comme Les Morfalous ou Le Solitaire, où "Bébel" apparaît complètement à rebours de son temps. "C’est totalement involontaire", balaie d’un revers de la main le scénariste. "Je ne connais pas du tout sa carrière à cette époque. Ce n’est pas trop mon truc."

Souvent présenté comme son héritier, Jean Dujardin a forcément dû y penser, tant son OSS version années 1980 ressemble au "Bébel" déphasé de cette époque. Certaines répliques d'Alerte Rouge en Afrique Noire sonnent presque comme du Michel Audiard de cette décennie: "Je n’ai rien contre la modernité, mais ça ne marche pas", lance OSS 117. Une réplique "faussement progressiste, complètement ringarde et réac", qui résume bien l’ironie de la franchise, note toutefois Jean-François Halin.

Les ajouts de Nicolas Bedos

Nicolas Bedos s'est complètement réapproprié OSS 117. Certaines saillies s’inscrivent dans la lignée de ses deux précédents films Monsieur et Madame Adelman (2017) et La Belle Époque (2019). Il a aussi apporté son grain de sel à l’écriture (et il compose la bande originale du film). "Nicolas a un petit peu participé à l’écriture, parce que c’est son film", confirme Pierre Niney. "Il a réécrit avec Halin, Jean et moi. Il réécrivait un peu en répétant avec nous, quand il trouvait qu’il y avait de bonnes idées qui sortaient des répétitions. Mais c’est complètement la même patte."

Jean Dujardin sur le tournage de "OSS 117: Alerte Rouge en Afrique Noire"
Jean Dujardin sur le tournage de "OSS 117: Alerte Rouge en Afrique Noire" © Gaumont

Le scénario d'Alerte Rouge en Afrique Noire est très riche, presque trop (120 minutes contre 100 pour les précédents), avec deux histoires racontées en parallèle. Nicolas Bedos a notamment changé la chronologie du scénario pour le rendre moins touffu, raconte Jean-François Halin: "Il a fait apparaître Zéphéryne [l’épouse du président Bamba, NDLR] beaucoup plus tôt que je ne l'avais indiqué. Les sosies du président pour le protéger des assassinats, c’est lui. C’est une super idée. On a retravaillé certaines scènes ensemble, il en a coupé d’autres, que je regrette - mais c’est le lot du scénariste."

Halin regrette en particulier un dialogue absurde sur les girafes: "OSS 1001 racontait à OSS 117 pourquoi elles avaient un long cou. Il expliquait qu’elles avaient mangé toutes les feuilles qui étaient au bas de l’arbre et donc qu’il ne restait plus que celles qui étaient en haut. Seules celles qui avaient des longs cous avaient survécu. Et 117 disait que si les girafes au long cou avaient mangé toutes les feuilles du haut, il devait rester des feuilles en bas et donc des girafes à petit cou. Il se mettait alors à la recherche de girafes à petit cou pendant tout le film. C’est une scène que j’adorais. C’était du OSS tout craché."

Bientôt un quatrième volet?

Une autre scène impliquant un mamba noir et OSS 117 a cependant été conservée. Jean-François Halin en est très heureux: il l’avait écrite au début des années 2000 pour Le Caire nid d’espions. "Je voulais faire référence à la scène de l’araignée dans James Bond contre Dr. No. Ce genre de séquence est pour moi constitutif de ces films d’espionnage. À l’époque où on a fait le premier film, c’était encore très cher de tourner cette scène-là...."

En 2009, à la sortie de Rio ne répond plus, Michel Hazanavicius avait évoqué son souhait de réaliser un troisième volet en Afrique où un OSS 117 bedonnant et vieillissant aurait assumé son homosexualité. Une piste stimulante, que Jean-François Halin et Nicolas Bedos abordent uniquement en surface dans Alerte Rouge en Afrique Noire. Le scénariste comme le réalisateur sont bien trop fascinés par le pseudo héroïsme de leur espion de pacotille:

"Michel avait prévu effectivement à une époque de faire un OSS très vieux, bedonnant, chauve, qui avait du mal à courir, mais je n’avais pas envie de faire ça, parce que je veux quand même qu’on garde un héros qui soit dynamique, et c’est le contraste avec Pierre Niney qui lui fait prendre conscience de son vieillissement", commente Jean-François Halin. "OSS 117 n'a pas conscience de son propre vieillissement. Pour l’homosexualité, je préfère que ça reste en filigrane, que ça reste non avéré."

Un quatrième OSS 117 est possible. Tout dépend de la réussite d’Alerte Rouge, évidemment. Jean-François Halin a eu une idée, mais il préfère la garder pour lui-même. Après les années cinquante, soixante et quatre-vingt, où se rendra Hubert Bonisseur de la Bath? Le secret est bien gardé, mais le scénariste distille quelques indices: "Je n’avance pas décennie par décennie, mais événement par événement", dit-il, avant de conclure: "S'il devait y avoir un quatrième film, rien ne dit qu’il se passerait dans les années 1980."

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