CRITIQUE - Dans cette transposition moderne, le cambrioleur de Maurice Leblanc sert de modèle À un père de famille en quête de vengeance. Si l’action et les tours de passe-passe sont au rendez-vous, le panache en est absent.
Sherlock Holmes, Arsène Lupin. Même combat des deux côtés de la Manche. Ces icônes littéraires ont été maintes fois portées à l’écran. En 2010, la BBC montrait que l’on pouvait transposer le limier de Doyle dans le Londres du XXIe siècle, franchise abrasive et addictions comprises. Le tout avec la classe folle d’un Benedict Cumberbatch. Avec Lupin : dans l’ombre d’Arsène, Netflix s’essaye aussi à l’art de la transplantation en misant, non sur une modernisation, mais sur une mise en abyme. Le résultat en met certes plein la vue mais manque à la fois d’élégance et de transgression. Le gentleman cambrioleur se transforme en gentil prestidigitateur.
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Omar Sy incarne Assane Diop. Pickpocket téméraire, ce papa poule en instance de séparation avec son amour du lycée (Ludivine Sagnier) n’a jamais accepté l’arrestation et le suicide en prison de son père, accusé par son riche patron d’avoir dérobé un précieux collier de Marie-Antoinette. Convaincu que son géniteur adoré a été piégé, Assane veut se venger et démasquer les responsables. Il s’inspire pour cela des exploits de son héros d’enfance: Arsène Lupin.
Admirateur de Sherlock Holmes et de Tintin, le coscénariste de Lupin, le Britannique George Kay, qui a travaillé sur les séries Killing Eve et Criminal, a écrit le scénario dans sa langue maternelle avant de le faire traduire et peaufiner en français. Mais il n’avait jamais ouvert les nouvelles de Maurice Leblanc avant d’être embauché par Netflix. Cela s’en ressent, hélas.
Il en tire une lecture très anglaise sur fond de lutte des classes. N’en garde qu’une partie de la mécanique, celle des tours de passe-passe malins expliqués par des flash-back. Louis Leterrier, qui réalise les trois premiers épisodes avant de passer la main à la Chilienne Marcela Said sur les deux suivants, se délecte de ces numéros.
Entre Casa de papel et son propre film de magiciens cambrioleurs Insaisissables, le réalisateur basé à Los Angeles braque le Louvre avec culot et déambule dans ses sous-sols méconnus dans un épisode pilote impétueux et délicieux. «Je voulais commencer par un symbole fort mais montrer Paris autrement, confie-t-il. Le mystère n’est pas de savoir comment Assane arrive à ses fins mais qui est-il, où est-il dans cette foule. À l’heure où chacun veut être célèbre, son invisibilité est son arme. Comme Arsène Lupin, il passe sans problème des bas-fonds à la haute société. Il utilise la peur, les préjugés des gens sur la pauvreté, sa couleur de peau pour se fondre dans la foule.»
Description naïve
Comme son héros caméléon, la série où apparaît aussi Nicole Garcia mélange les genres: casse de haut vol, huis clos pénitentiaire, kidnapping, thriller paranoïaque… Ce déluge d’adrénaline donne le tournis. Ivresse éphémère. Car la série reste en surface, étrangement réticente à aller jusqu’au bout de sa critique sociale, notamment sur le racisme. «Avec Lupin, je voulais faire une fiction familiale, intergénérationnelle», précise George Kay. «Être un gentleman aujourd’hui, c’est transmettre un code d’honneur, être poli, éduqué», renchérit Louis Leterrier. Le sourire, l’énergie, l’affabilité qui se dégagent d’Omar Sy correspondent, c’est vrai, à cette description un peu naïve. Mais la pointe de danger, l’humour, la séduction insolente du gentleman cambrioleur, jadis incarné avec panache par Georges Descrières, disparaît. Sans enchantement. Fan de Lupin dans ses stratagèmes, Assane n’est qu’un lointain disciple d’Arsène dans sa vie. Ce qu’Obispo est à Polnareff. Un ersatz un peu fade. Dommage pour cette relecture moderne qui avait tous les atouts en main pour nous conquérir et se révèle trop timide.
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